La Bibliothèque grise



Jérôme Dupeyrat et Laurent Sfar, avec Sandra Foltz
Plans de table, 2019–2022


Plans de table est un pro­jet en cours de réa­li­sa­tion, pre­nant la forme d’une enquête artis­tique sur le monde agri­cole et les enjeux qui lui sont liés (tels que la pro­duc­tion d’une ali­men­ta­tion de qua­li­té pour tous ou la pré­ser­va­tion de l’environnement). Cette démarche nous a conduit dans dif­fé­rentes régions fran­çaises auprès de culti­va­teurs, d’éleveurs, de viti­cul­teurs, d’agronomes et de géo­graphes, afin de recueillir une plu­ra­li­té de points de vues autour de l’agroécologie, l’agriculture urbaine, et la ques­tion des communs.

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Afin de com­prendre l’activité et l’engagement des pay­sans et pay­sannes dans un contexte de tran­si­tion agro-éco­lo­gique, nous avons pri­vi­li­gié la ren­contre de per­sonnes impli­quées à dif­fé­rents stades de la pro­duc­tion agri­cole, ayant en com­mun une réflexion sur les alter­na­tives à l’agriculture dite indus­trielle ou inten­sive. Puis par le prisme de l’agriculture urbaine, nous avons abor­dé avec nos inter­lo­cu­teurs les fric­tions (fon­cières, éco­lo­giques, sociales) qui façonnent cer­tains de nos ter­ri­toires et les modes de vie de ceux et celles qui les habitent, entre acti­vi­tés agri­coles et urba­ni­sa­tion. Il a éga­le­ment été ques­tion de l’éducation au goût et de l’accès du plus grand nombre à une ali­men­ta­tion de qua­li­té. Il est appa­ru alors que plu­sieurs ini­tia­tives mar­quantes dans l’agriculture actuelle envi­sage celle-ci comme un « com­mun », c’est-à-dire un ensemble de res­sources (en l’occurrence les terres, la pro­duc­tion agri­cole, ain­si que les outils et savoirs pay­sans) gérées col­lec­ti­ve­ment dans le but de les pré­ser­ver et de les pérenniser.

Plans de table vise à res­ti­tuer les dif­fé­rents axes de cette enquête sur le monde agri­cole contem­po­rain à tra­vers des pro­duc­tions mêlant un lan­gage tex­tuel et visuel.
La somme des paroles col­lec­tées est la matière pre­mière de trois nappes et d’un ser­vice d’assiettes asso­cié à cha­cune d’elles. Sur les nappes, des dia­logues sont pla­cés au sein de phy­lac­tères entre­mê­lés à un des­sin de Sandra Foltz repro­dui­sant un motif de luzerne à dif­fé­rents stades de crois­sance. La luzerne est une légu­mi­neuse four­ra­gère qui tout en étant culti­vée pour l’alimentation ani­male, contri­bue de façon natu­relle à la pré­ser­va­tion des sols en fixant l’azote de l’air et en régé­né­rant leur struc­ture. Ces dia­logues ont été com­po­sés en syn­thé­ti­sant les pro­pos de nos inter­lo­cu­teurs. Ils sont orga­ni­sés de sorte à ce qu’à chaque place sur la nappe cor­res­ponde une pro­blé­ma­tique entrant en écho avec celle de la place voi­sine. En consi­dé­rant le moment du repas comme un temps pri­vi­lé­gié de dis­cus­sion et de par­tage, les nappes témoignent des ren­contres effec­tuées, et per­mettent par leur usage de pro­lon­ger les ques­tions sou­le­vées, en inten­si­fiant une pro­pen­sion com­mune, lors des repas, à dis­cu­ter de ce que l’on mange — tout en par­lant de bien d’autres choses.

Les ser­vices d’assiettes réin­ves­tissent le prin­cipe des assiettes dites « par­lantes », c’est-à-dire por­teuses de mes­sages écrits et illus­trés, ain­si que l’on en trou­vait cou­ram­ment au XIXe siècle. Ornées de sché­mas sta­tis­tiques extraits de revues scien­ti­fiques (agro­no­mie, éco­no­mie, socio­lo­gie, géo­gra­phie), elles consti­tuent une ico­no­gra­phie accom­pa­gnant et pro­lon­geant les dia­logues sur les nappes. Là où ces der­nières retrans­crivent un pro­pos vivant, les assiettes livrent à tra­vers des don­nées fac­tuelles les enjeux éco­no­miques et poli­tiques de la pro­duc­tion de notre ali­men­ta­tion contemporaine.

Une édi­tion contien­dra une sélec­tion d’entretiens, tout en témoi­gnant à tra­vers un ensemble de pho­to­gra­phies des lieux où s’inscrivent les acti­vi­tés de nos inter­lo­cu­teurs. Composée de trois jour­naux ras­sem­blés en un livre par une cou­ver­ture amo­vible, cette édi­tion sera à la fois un objet auto­nome et un com­plé­ment de la nappe, à lire comme on feuillette un jour­nal au café ou à la fin d’un repas.

Plans de table, 2019–2021. Nappes impri­mées sur coton (des­sin : Sandra Foltz), 150 × 290 cm ; ser­vice d’assiettes illus­trées, dia­mètre 19,5 cm, chro­mo­li­tho­gra­phie ; jour­naux (en cours de réa­li­sa­tion), 16 p., 47,5 × 33,3 cm (concep­tion gra­phique : Rovo). Avec le sou­tien de la Direction régio­nale des Affaires cultu­relles d’Île-de-France — Ministère de la Culture, du Pavillon Blanc Henri Molina — Colomiers et du Quai des Savoirs — Toulouse.